Fouille à el-Zerqa, 1994.

La mission archéologique d'el-Zerqa s'est déroulée du 7 janvier au 24 février 94. La fouille proprement dite a commencé le 11 janvier pour se terminer le 6 février. Les membres de la mission étaient : Hélène Cuvigny (papyrologue, chef de chantier), Adam Bülow-Jacobsen (papyrologue, co-dirigeant), Jean-Luc Fournet (papyrologue), Claude Blanc (archéologue), Jean-Pierre Brun (archéologue), Michel Reddé (archéologue), Jean-Pierre Adam (architecte), Olivier Quintanel (topographe), Marie-Agnès Matelly (archéologue), Jean-François Gout (photographe), Khaled Zaza (dessinateur), Ulla Mannering (spécialiste des textiles). La mission était accompagnée des inspecteurs Mohammed Dowy et Abbas Moafik, ce dernier étant remplacé le 22 janvier par Maher Messaoud.

Entre le 15 et le 25 janvier, M. Reddé a effectué plusieurs sondages dans le fortin, tandis que J.-P. Adam en dressait un plan au 1/100e. Le fortin s'est révélé pauvre en sédiment, et la fouille a plutôt consisté à enlever du matériel d'effondrement recouvrant directement le sol primitif et où les trouvailles d'objets ont été rares : el-Zerqa ne semble pas avoir connu une très longue histoire. Assez néanmoins pour entraîner quelques bricolages architecturaux qui témoignent d'un effort des occupants pour renforcer leur protection : le dégagement de la porte a mis en évidence deux rétrécissements successifs, phénomème attesté ailleurs dans le désert oriental et imputable à la menace représentée par des bandes de nomades à un moment où l'effectif des garnisons était insuffisant. A ce rétrécissement répond, au sommet des tours qui flanquent la porte, un blocage du chemin de ronde : ainsi, en cas d'investissement du fortin, la porte et ses deux tours constituaient un ultime refuge. M. Reddé a également nettoyé l'escalier qui monte à la tour N-0, une grande pièce située au centre de la courtine sud où il est tentant de reconnaître une chapelle consacrée aux enseignes, et deux pièces mitoyennes situées entre le puits central et la muraille E, au niveau d'un conduit cimenté qui la traverse. On n'a malheureusement pas décelé la moindre installation hydraulique, d'un côté ou de l'autre de la muraille, pour expliquer la présence de ce conduit. Le vidage du bâtiment qui s'élève sur le bord nord du puits, dans l'axe de la porte, n'a pas non plus livré d'indice sur sa destination. En revanche la fouille du coin N-E a fait apparaître un petit ensemble thermal, comprenant deux locaux : une rotonde d'1,80 m de diamètre surmontée d'une coupole de brique cuite (aujourd'hui effondrée) et une pièce comportant deux baignoires. Les cendres mêlées d'anses et de pointes d'amphores qu'on a retrouvées dans la rotonde indiquent que cette pièce était une chambre de sudation chauffée au moyen de céramiques qu'on apportait brûlantes du foyer contigu (qui servait également à une cuisine adjacente).

La fouille du dépotoir a été principalement assurée par J.-P. Brun et Cl. Blanc, assistés de M.-A. Matelly et J.-L. Fournet. Le dépotoir n'est pas conservé dans sa totalité : ses côtés nord et ouest ont été érodés par les crues de l'oued; ce qui en subsiste couvre environ 200m2 pour une hauteur variant de 0,10 m à 1,30 m et a été divisé en carrés de 5 m de côté numérotés de 1 à 47. Les carrés 1, 2, 3, 11, 12, 22, 31, 32, 42 ont été totalement excavés selon la méthode stratigraphique et tout le mobilier a été recueilli, trié, compté et partiellement rejeté (notamment les amphores locales).
Plusieurs phases de dépôt ont été mises en évidence. Sur un premier sol formé par le lit du wadi aplani, quelques ordures provenant du fort sont jetées. Peu de temps après la construction du fort, un alignement de maisons est bâti au nord de la route passant devant la porte. Ces locaux, en partie détruits par une crue, ne semblent pas avoir été occupés longtemps : on distingue un seul sol scellé par l'effondrement des murs. Durant leur période de fonctionnement, le sol entre eux et le fort a continué de s'exhausser régulièrement par apport de détritus. Une troisième phase voit la destruction des pièces suivie de rejets accrus d'ordures formées de céramiques, d'ossements, de vieux chiffons, d'objets de cuir usagés (sandales, morceaux de harnachement). Une succession de couches de cendres et de paille marque une quatrième phase de formation du dépotoir. Leur stratification complexe illustre deux types d'actions alternées : le nettoyage des cendres des thermes situés à l'intérieur du fort et celui d'écuries qui n'ont pas été localisées. Les couches de cendres contiennent en effet une proportion anormalement élevée d'anses et de pointes d'amphores cassées qui étaient utilisées pour chauffer la pièce circulaire des thermes. Les couches formées de rejets d'écuries sont composées essentiellement de paille. Une cinquième phase est caractérisée par le rejet de poteries cassées en grand nombre.
La céramique, qui représente en quantité l'essentiel du matériel mis au jour, a été traitée par J.-P. Brun. Il s'agit surtout d'amphores vinaires égyptiennes AE3 bitronconiques. Le reste du matériel, d'origine égyptienne, consiste de gargoulettes, gourdes, pots, plusieurs sortes de marmites et de poêlons. Le service de table est pauvre : quelques bols et plats, pas d'assiettes. Le service à boire comprend des gobelets en céramique à paroi fine et en verre. Le verre est représenté aussi par de nombreux flacons à parfum. Le métal est très rare et les quelques fragments retrouvés appartiennent à des pièces d'habillement militaire. Les tissus proviennent de sacs, de nattes et de vêtements. Ulla Mannering, qui en a fait le tri lors d'un bref séjour, a constaté que cet échantillonnage présente une importante proportion de tissus typiquement militaires. Cette observation rejoint l'impression que laissent les quelque 600 ostraca grecs et latins également trouvés dans le dépotoir, et qui ont été déchiffrés par H. Cuvigny, A. Bülow-Jacobsen et J.-L. Fournet. Parmi ces dipinti amphoriques, tableaux de service et lettres privées échangées entre militaires stationnés dans les différents fortins de la route, la présence de civils ne se décèle guère. Un seul nom d'unité militaire est mentionné, celui de l'Ala Veterana Gallica (attestée en Egypte à partir de 130). On doit à ces textes deux informations importantes : le nom antique d'el-Zerqa, Maximianon, et celui de Quseir, Myos Hormos. D'autres sites proches sont nommés : Persou, déjà connu par les inscriptions et les ostraca du Wadi Hammamat, et Didymou. Athena et Philotera étaient les divinités tutélaires de deux sites anonymes qui avaient d'étroits contacts avec Maximianon, à en juger par la fréquence des proscynèmes épistolaires qui les invoquent; là où veillait Athena, on cultivait des potagers dont la production était envoyée aux soldats de Maximianon par les soins de leurs camarades.
Peu d'éléments datants sont apparus dans le dépotoir. Parmi les monnaies, on reconnaît une émission ptolémaïque, une peut-être de Claude, une de Néron (an 11, 64/65); une quatrième paraît correspondre à un Antonin, peut-être Hadrien. Aucun ostracon n'est daté, mais l'un d'entre eux fait allusion "aux empereurs", ce qui fournit un terminus post quem sous Marc Aurèle. Les importations sont rarissimes; on identifie cependant une amphore à vin de Gaule Narbonnaise (G4) et une amphore vinaire de Cnide qui peuvent être rapportées aux IIe et IIIe siècles.
Trois sondages dans le tell qui servait de cimetière à quelques mètre du dépotoir n'ont révélé que des fosses peu profondes et quasiment vides (à l'exception d'une momie d'oiseau).
Un plan topographique au 1/2000e a été levé par O. Quintanel.